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27 janvier 2008 7 27 /01 /janvier /2008 14:02
Bordeaux, quelques mois plus tard.

  Après, on pourrait espérer que la vie ressemble à un bon scénario de film américain : le héros, après avoir beaucoup souffert, renait de ses cendres.

 

  Mais non, parfois, le sort s’acharne, plante encore plus ses crocs dans la chair et secoue violemment la gueule pour en arracher encore un morceau et le scénario descend encore plus bas dans l’horreur, centimètre par centimètre, marche après marche. Cercle après cercle.

 

  Quelques mois après, Sylvie était de nouveau tombée enceinte. Elle alla faire une échographie de contrôle. Une heure après, elle revint, le visage dévasté par les larmes.

 

-          Quoi ? demandais-je, me préparant déjà aux mauvaises nouvelles.

-          C’est un œuf clair, répondit-elle entre deux sanglots.

-          Un quoi ?

-          Un œuf clair.

-          Ca veut dire quoi ? Mais déjà je sentais qu’encore une fois, le malheur s’abattait sur nos vies.

-          Ca veut dire que c’est comme si j’étais enceinte mais que l’ovule fécondé ne se développe pas, ça arrive parfois, il n’y a rien à faire…

 

  Et voilà le premier cercle qui nous faisait descendre encore un peu plus dans le chaos, dans l’horreur, celui qui brise l’espoir.

  Je restais pantois devant cette nouvelle information. Je posais quelques questions et Sylvie me répondit comme elle pouvait. Puis je posais une dernière question, car elle n’avait pas du tout abordé la finalité physiologique dont je devinais déjà la terrible réponse. J’allais donc être celui qui poserait la question qu’elle ne s’était pas posée :

 

-          Et comment l’œuf sera évacué ? De façon naturelle ?

-          Comment ça ?

-          Tu… Puisque tu ne vas pas accoucher, l’œuf va partir comment ? Tu comprends, est-ce que tu vas avoir des règles naturelles? Est-ce qu’il faudra les provoquer ? Est-ce que tu devras aller à l’hôpital ?

-          Je… je ne sais pas… me répond-elle, complètement désorientée.

-          Je crois que tu devrais téléphoner au gynéco maintenant, lui répondis-je doucement.

 

  Elle décrocha le téléphone, se renseigna auprès du gynéco, écouta sa réponse, l’air encore plus triste à chaque seconde.

 

-          Alors ?

 

  Elle prit de nombreuses secondes pour répondre.

 

-          Oui, tu as raison, je dois… Je dois me faire opérer, me répondit-elle dans un souffle, Comme... comme un avortement… Ses yeux en larmes ne quittent plus le sol.

 

  Le voilà donc, ce deuxième cercle qui nous met encore plus le visage dans la boue, qui humilie encore plus notre humanité, celui qui torturera le corps de ma femme pour en arracher le plus petit espoir.

 

  Que faire ? Je prends juste ma femme dans les bras et nous pleurons ensemble cet enfant imaginaire dont l’impossibilité de grandir dans le ventre de sa mère nous brise encore un peu plus le cœur.

 

  J’aurais aimé un Happy ending, une revanche de la vie sur la mort mais non ; juste une sinistre farce de la mort pour détruire les quelques poussières d’espoir qu’il nous restait.

 

  J’aurais aimé être transfiguré par ces épreuves, en ressortir grandi, zenifié ; que l’on me reconnaisse dans la rue et qu’on vénère mon nom comme un martyr, que j’écume les plateaux-télé pour expliquer encore et encore mes malheurs comme une pute de téléréalité.

  Mais non, on en sort brisé à jamais et l’on ressent simplement avec un goût de fer dans la bouche et que l’on doit encore faire une dernière génuflexion devant notre maitre sombre : c’est un dernier deuil qu’il réclamait et c’était celui de ma propre vie.

 

  Car le seigneur de cet enfer ne faisait que me montrer une évidence : j’étais mort dans la traversée de son territoire et pour revenir à la vie, j’allais devoir quitter toutes mes croyances, mes vertus et mes défauts, mes idéaux, mes visions de la vie pour reconstruire une personne nouvelle, façonnée aux feux de l’enfer. Serais-je mieux ? Pire ? Juste différent ? C’était en tout cas inévitable, c’était même peut-être préférable puisque mon âme avait brulé dans cet enfer et rien ne pouvait la faire revenir ; je devais donc en bâtir une nouvelle, avec de nouvelles lois, de nouveaux codes moraux, de nouvelles visions de l’humanité, de nouvelles sensations…

 

  Mais après le cercle qui détruit l’espoir et celui qui torture la chair, alors que vous pensez en avoir fini avec la souffrance, il reste encore le troisième cercle. Il ne touche ni votre corps ni votre âme, il détruit simplement l’autre devant vous.

 

  Parce qu’en fin de compte, avant même de renaitre de vos cendres et de voir émerger ce nouveau moi qui vous attire et vous repousse en même temps, vous savez !

  Vous savez déjà que votre nouvelle âme aura besoin d’une nouvelle vie et vous comprenez !

  Et vous avez envie de hurler devant tant de cruauté !

  Parce que pendant que vous renaissez ; vous regardez votre conjoint et vous prenez peur pour lui, pour vous. Car  vous changez, vous vous transformez, vous renaissez dans la douleur et vous priez l’immensité de Dieu pour que votre conjoint soit assez fort pour évoluer comme vous, aussi vite que vous, pour qu’il prenne avec nous ce nouveau chemin !

 

  Et il n’y a rien de pire que de constater qu’il n’en est rien.

 

  Vous changez.

 

  Lui non.


"la plus grande réussite du diable, c'est de vous faire croire qu'il n'existe pas".

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24 janvier 2008 4 24 /01 /janvier /2008 13:42

Jeudi 24 janvier 2008

  Alors que nos conversations tournaient exclusivement sur mon enfance et ma relation avec mes parents, nous avons cette fois-ci beaucoup parlé de ma fille. Je ne sais plus comment c'est venu dans la conversation. Peut-être en lui expliquant que j'avais dit à ma femme que nous aurions un autre enfant après...

  Ma psy pense que je me sens coupable de ce qui est arrivé, que je dois me renseigner. Mais bon, au final, je connais déjà les réponses, il n'y a de faute de personne, c'est juste comme ça, personne à accuser, rien où focaliser ma colère ou mon désespoir... Juste accepter...

  Lors d'une précédente séance, elle m'avait aussi demandé de commencer à parler à ma femme pour que je puisse continuer mon cheminement. Mais que dire ? Je n'en sais rien, je ne sais même pas comment le dire...

  La fin du mois se passe mal : je fais le constat que je ne suis pas prêt à partir de chez moi et de son coté, Fred pense sérieusement à redonner une chance à son mari. Et moi, je dois faire quoi ? Pareil ? Voir avec ma femme si nous voulons un autre enfant ? Si nous pouvons arriver encore à nous supporter ? Je ne sais plus comment prendre les évènements, tout m'échappe, me glisse entre les mains, je suis un spectateur consterné et hagard d'un monde qui s'écroule autour de moi, du gouffre brulant et hurlant qui s'ouvre sous mes pieds dans lequel je vais me perdre. C'est peut-être le sentiment ironique d'avoir manqué de si peu le bonheur qui me fait le plus mal.

.../...

  Non... c'est pas vrai... ce n'est pas la vérite...en réalité, je sais pourquoi la psy et moi avons parlé de ma fille ce 24 janvier, je sais très bien pourquoi.

Je dois maintenant raconter une histoire...

une histoire si douloureuse qu'elle n'est pas réellement racontable,

une douleur si forte que l'on meurt immédiatement mais sans s'en rendre compte,

aucun homme, aucune femme sur terre ne mérite ça.

Personne ne devrait voir l'enfer et pourtant je l'ai vu. Sa vision a tué mon corps et mon ame. En une seconde.

Ici commence l'enfer, ici j'ai perdu toute espérance, ici je suis mort.

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6 janvier 2008 7 06 /01 /janvier /2008 13:17

Dimanche 6 janvier 2008 matin

  Fred est sortie hier soir à l'inauguration d'un yacht club. Elle me dit avoir rencontré plein de personnes intéressantes et j'ai une petite pointe de jalousie quand elle me précise avoir pas mal discuté avec un homme. Mais bon, ça reste une pointe naturelle de jalousie, c'est normal... 
  Elle est en ville ce matin et me propose que l'on se voie mais malheureusement c'est impossible pour moi. J’ai encore une fois droit à un "tant pis pour toi !". Je n'aime décidément absolument pas cette phrase qui laisse entendre que je suis le seul à perdre quelque chose sur le fait de ne pas se voir. Et si je suis le seul à perdre quelque chose, cela veut dire que je ne suis pas assez intéressant puisqu’elle ne perd rien ?

  Par contre, elle a des journées difficiles depuis quelques jours car elle a le sentiment que je ne pourrais jamais partir, en tout cas pas assez vite. Elle m'en veut plus ou moins consciemment de ne pas être au même point de  cheminement qu'elle. Je le comprends parfaitement même si c'est dur à admettre.

SMS for Fred from Zach :
"so in luv with U, so I want to C U... I luv U, my girl..."

SMS for Zach from Fred :
"jai pensé a toi toute la journée. je suis la pour toi et ca pour tres tres longtemps.love U so. i want U for the rest of my life."


Lundi 7 janvier 2008 au soir

  Fred est malade et je la rejoins dans la soirée pour rester un peu près d'elle.

  Elle me dit devoir me quitter car c'est trop dur, trop long à attendre. Je ne cherche pas à la retenir pour ne pas la faire souffrir plus.
  Je la quitte et je vais au sport un peu comme un zombie. Je lui envoie quand même un SMS pour lui dire que je l'aime et elle me répond de même. Nous nous appelons et nous disons que nous ne pouvons nous passer l'un de l'autre pour l'instant.


Mercredi 9 janvier 2008

  Je suis allé voir mon psy et parlons de mon enfance gâchée. Elle me répond de ne pas nier ma souffrance quand je lui dis que tout ça n'est pas très grave et qu'il y a largement pire. Je pleure encore et encore avec ce sentiment double qu'on ma volé ma vie d'enfant et que ce vol me pourrit ma vie d'adulte.


Mardi 15 janvier 2008

 Une semaine sans voir Fred sauf dimanche soir. Nous faisons l'amour mais elle reste quand même triste. La fin, ça commence comme ça. On fait l'amour mais on est quand même triste.
 

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