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19 décembre 2007 3 19 /12 /décembre /2007 11:15

19 décembre 2007 - Bordeaux

 

  Je suis allé voir ma rouquine de psy aux yeux verts. Avant la séance, je me suis demandé pourquoi je préférais parler à cette femme plutôt belle et attirante de mes crises existentielles quitte à passer pour le mec le plus naze et le plus barré à l’est de Bordeaux plutôt qu’à un bon vieux psy désabusé et aussi volubile qu’une huitre dans un restaurant de fruits de mer.

  Peut-être qu’inconsciemment, je cherche à lui plaire, à lui étaler ma souffrance en large et en travers pour qu’elle m’admire un peu d’être aussi héroïque ; peut-être qu’elle m’expliquera le grand secret des femmes ; peut-être ais-je envie de l’entendre dire que si elle n’était pas mon psy, elle adorerait sortir avec un mec aussi bien que moi.

  En fin de compte, je suis peut être à l’aise avec elle plutôt qu’avec un autre parce que je la trouve simplement agréable à regarder et c’est tout.

 

  Bon sang, parfois, la profondeur de mes réflexions ante-séances me laissent pantois…

 

  Par contre, ce qui est sur, c’est que je l’apprécie pour son  étonnante manie de m’interrompre dans mes histoires et me lancer un : « écoutez, Zach, je me trompe peut-être mais j’ai l’impression que quand vous parlez de … » ou un « …écoutez Zach, je crois qu’il faudrait revenir à … » avec son léger accent du sud-ouest.

  Alors que je croyais que mes séances seraient de long et laborieux monologues face à un psy joyeux comme une enclume dans l’atmosphère glauque et poisseuse d’un cabinet rempli de vieux livres et d’odeurs suspectes ; elle met cul par-dessus tête mes idées préconçues sur le sujet en m’offrant en prime quelque chose d’irremplaçable : elle m’écoute et me parle ! Ses interventions m’apportent comme une note de légèreté dans les sombres sillons de mes monologues, un peu comme la fée Clochette qui tire la moustache du capitaine Crochet pendant son combat avec Peter Pan.

 

  Tiens, Peter Pan et son complexe, en voilà un bon sujet de réflexion. D’accord, si Peter Pan est l’enfant, qui est Crochet ?

 

  Mais pour revenir à ma rouquine qui m’écoute si bien et me parle si justement, je sais alors que je peux tout lui dire, lui raconter combien je me sens infantilisé quand ma femme veut prendre en main à distance la réparation de la douche à mon hôtel ou quand elle modifie sans me demander mon avis le jour que me propose un ami pour aller au cinéma.

  Rien n’a d’importance, je peux parler librement, me confier, me lâcher, faire ressortir toutes les horreurs de ma vie, ouvrir devant elle les gouffres les plus minables quelle m’interrompt encore et encore, rebondit sur un mot, une phrase, un silence et m’explique le plus simplement du monde : « vous changez, Zach, vous êtes en train de changer ; vous quittez le mode enfant pour devenir adulte ! Ce que vous supportiez et aviez besoin avant vous semble insupportable maintenant ! Vous êtes en train de changer, Zach ! »

 

  Alors, je l’écoute et je m’écoute, je sens l’esprit de cet homme qui s’éveille en moi, encore un peu confus d’avoir tant dormi et celui du petit garçon à coté de lui qui pose une main dans la sienne et lui demande, un peu inquiet : « dis, je crois que je t’aime bien mais… mais maintenant que tu es réveillé, tu vas pas m’abandonner, dis ? ». Et celui qui ressemble à un géant pour l’enfant baisse le regard vers lui, le regarde longuement, serre plus fort sa petite main dans la sienne et lui répond avec un petit sourire timide : « T’en fais pas, moi aussi j’ai besoin de toi et à deux, on sera plus fort. Alors, on reste toujours ensemble, d’accord ? »

 

Parce qu’en définitive, même si je deviens adulte, je n’ai pas envie de lâcher Peter Pan.

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