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10 septembre 2008 3 10 /09 /septembre /2008 17:30

  J'ai honte. J’ai vraiment honte de moi. Par deux fois, la rage au fond de moi a ressurgi et s'est déversée sur mon pauvre Lucas.

  Ce n'est plus possible, il faut que je retrouve rapidement un équilibre.

 

 

Bordeaux, le 10 septembre 2008

 

  Ce matin, j'ai essayé d'apprendre à Lucas à faire ses lacets. Le pauvre n'avait pas vraiment envie de s'y mettre et j'aurais du laisser tomber pour cette fois et passer à autre chose.

  Mais devant son peu d'enthousiasme à suivre mes explications, j'ai senti monter en moi la bête féroce et rien n'y a fait : j'ai commencé à lui hurler dessus, à hurler dans l'appartement, à l'engueuler. Tout y est passé pendant dix minutes :

 

"SI TU N'ES PAS CONTENT, TU PEUX TE CASSER DE CHEZ MOI, TU PEUX RETOURNER CHEZ TA MERE !".

 

"JE SUIS QUOI MOI ICI ? JUSTE BON POUR TE FAIRE A BOUFFER ? CA N'A AUCUN INTERET DE SE VOIR !".

 

"J'ESSAYE DE T'APPRENDRE QUELQUE CHOSE ET TU T'EN FOUT ? T'EN AS RIEN A BRANLER ? MAIS CASSES-TOI DE CHEZ MOI, ALORS !"

 

  Et j'en passe... Terrible... De me sentir impuissant devant ma colère qui me dépasse et de prier pour qu'elle s'arrête ; d'être un pantin manipulé par cette rage intérieure...

 

Bordeaux, le 16 septembre 2008

  Tout allait bien, j'avais juste redit ce matin-là comme n'importe quel parent cent fois les mêmes choses : "brosse tes dents ! Habille-toi ! Met tes chaussettes !"

  Ses consignes faites, il a quand même pris subrepticement sa Nintendo bien que je l'interdise le matin à l'école afin de le laisser se préparer calmement et éviter des durées de sauvegarde qui nous feraient partir en retard.
  Je constate donc le fait d'un œil noir car je connais déjà la suite mais je ne dis rien et finis de me préparer. Au moment de partir, je lance donc le fatidique " On y va, tu arrêtes la Nintendo et tu sauvegardes, on part dans 2 minutes !". Mais il continue son jeu et me répond aussi sec "tu as dit qu'on partait dans deux minutes !".

 

  Et voilà, comme tous les matins, il discute mes consignes. J'appelle ça la négociation et je ne le supporte pas.

  Comme d'habitude, une bouffée d'angoisse et de colère m'envahit, je hurle aussi sec sur lui en maudissant mêle-même sa console de jeu, son refus de m'écouter, cette répétition journalière des mêmes problèmes avec les mêmes causes et conséquences.

  Comme d'habitude, des mots durs sortent de ma bouche, je lui dis qu'il est incapable d'écouter la moindre consigne, que je ne peux pas lui faire confiance, qu'il me déçoit, que j'en ai marre de lui, qu'il n'a qu'à faire ça chez sa mère... Mon engueulade dure de longues minutes, elle se nourrit d'elle-même, je pourrais continuer comme ça pendant une heure.

 

  Je suis trop coutumier de ce genre de colère disproportionnée avec mon fils. J'ai mis longtemps à comprendre avec l'aide de ma psy que je faisais un report affectif sur lui, que je me voyais littéralement en lui et que j'avais une peur extrême qu'il vive le même enfer que ma jeunesse. Alors à chaque fois qu'il n'écoutait pas, qu'il ne comprenait pas immédiatement une leçon, la panique m'envahissait, je l'imaginais déjà perdu dans ce vaste monde, si seul, si malheureux... et la peur me prenait avec comme seule réaction possible la colère qui est la seule réponse des gens qui ne peuvent plus réfléchir.

  Mais ce matin, je lutte pour m'arrêter de crier, je lutte de toutes mes forecs, je ne veux pas qu'elle gagne, je ferme les poings pour me contrôler, j'essaie de me visualiser en train de vociférer sur mon fils, je me dis que je vais de toute façon avoir une terrible réaction de culpabilité juste après et que je vais encore être extrêmement malheureux.

  Tout le long de mon engueulade, il n'a rien dit ; petit bonhomme stoïque qui laisse passer la colère de son père sans rien dire, parce que c'est comme ça, c'est son père et il l'aime, même s'il est malheureux de le voir malheureux et de subir cette injustice.
 

  Alors, je finis par me forcer à me taire, à attendre que la colère tombe. Je sens ensuite la tristesse m'envahir et je m'assoie au bord du lit de mon fils en lui demandant de venir. Il arrive la tête basse, sans me regarder en disant d'une voix lasse "quoi ?".

  Je lui demande de s'asseoir à coté de moi et je lui dit doucement que je regrette de m'être emporté aussi fort, que je lui demande pardon et que je vais faire des efforts pour ne plus crier si fort et si longtemps contre lui. Nous discutons quelques minutes, je le serre fort dans mes bras et je l'embrasse.

  Je vois renaitre en lui une étincelle de vie : ses épaules se relèvent, il commence à me parler de tout et de rien, il s'agite sur le bord du lit alors nous nous préparons tout en discutant ; je lui confie mes clés pour qu'il ferme la porte de la maison pendant que je sors la moto puis nous partons pour l'école

  Toute la matinée, j'ai du retenir mes larmes d'avoir été aussi injuste envers lui. J’ai maudit ma rage de nous faire subir  tout ça.

 

  Qu'il est dur d'écrire tout ça deux ans après. J'ai longtemps redouté ce moment et j'ai le ventre noué. Je suis triste, très triste. Mais heureusement, le temps va bien faire son oeuvre.

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