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13 septembre 2007 4 13 /09 /septembre /2007 16:46

Bordeaux - mercredi 12 septembre 207 

   Depuis deux jours, je traine mon angoisse. Pourtant, ma dernière séance de psy a été miraculeuse : un gouffre de découverte et d'aventure s'est ouvert sous mes pieds, je suis à l'orée d'une vallée inconnue et je m'y avance avec autant de crainte que d'espoir, une main ouverte en signe de paix et un poing fermé pour me défendre.

  Mes échanges téléphoniques avec Fred sont maintenant plus "nerveux", plus secs, moins sensuels, nous sommes visiblement touchés tous les deux par cette histoire. Je ne sais pas si la cassure va se ressouder, je me sens très fragile qu'elle m'ait "abandonné" pour un autre homme, Fred aussi certainement doit être touchée de mon manque de confiance. De toute façon, quelque chose se passe en ce moment entre nous, nous sommes moins insouciants, il y a des petits mais éloquents moments de silence. j'ai tellement peur d'avoir été cassé dans mon élan vers son amour...

  Moi qui ai tellement de mal à communiquer avec autrui au point de ne jamais appeler mes amis ou ma famille juste pour le plaisir, je finis par prendre mon téléphone pour avoir celui que je considère comme un véritable ami, même plus, comme quelqu'un de ma famille. C'est, attention il faut suivre, le mari de la cousine de ma femme. Nous nous sommes connus il y a maintenant quinze ans et nous sommes bien entendus de suite. Malgré nos différences de comportement, nous avons une même vision de la vie, les mêmes valeurs. J'ai le plus grand respect pour lui, je lui trouve comme unique défaut - mais c'est aussi une qualité - d'être entier et sans détour. Bref, c'est un homme droit, c'est un gars bien. Comme moi, il a un passé militaire qui renforce notre complicité.

  Je lui explique donc la situation, il m'écoute longuement puis il me rassure un peu comme l'a fait ma psy en m'expliquant que je devais absolument dire ce que je ressentais et ce que je pensais à Fred et voir sa réaction, qu'elle devait m'accepter comme ça pour l'instant, que l'important était d'en parler pour mieux se comprendre et évoluer. Puis il me rappelle qu'il sera toujours à l'écoute pour moi, que je peux compter sur lui. Puis il me rappelle que lui aussi a traversé des moments difficiles et qu'aujourd'hui par exemple, il prend encore un léger traitement anti-dépresseur et que je ne peux pas imaginer le nombre de personnes qui en prennent.  
  Ces quelques mots me font chaud au cœur, savoir que je compte pour un homme comme lui me redonne un tout petit peu d'estime de moi : s'il fait attention à moi, c'est peut-être que je ne suis pas si nul ? Du coup, je transpose cette idée sur l'amour que Fred me porte et j'arrive presque à me dire que je mérite qu'elle m'aime ?
Ensoirée, après mon sport, j'ai Fred au téléphone, je me sens un peu mieux car ses paroles sont sincères et rassurantes ; mais je reste pourtant méfiant : est-elle fiable ? Puis-je compter sur elle ? sincère certainement, fiable évidemment même si je trouve ce terme mal fichu pour évoquer cette incroyable femme...

  Je rentre chez moi, je commence à accepter ce qui s'est passé, je commence à croire de nouveau en Fred, je la sais sincère... puis la soirée passe, je vais me coucher, je m'endors et je rêve... je rêve...

.../...

  Je suis à un séminaire, assis au 1er rang d'une grande salle comme il y en a tant dans les hôtels, environ 200 personnes sont présentes. Au bout d’un moment, je regarde de gauche et de droite et me rends compte que Fred n’est pas là. Je sors de la salle et la cherche. Quand je reviens à ma place, il y a un vieil homme assis ma droite qui dort, penché pour moitié sur ma place. Je dois le repousser un peu pour m’asseoir mais petit à petit il bascule de nouveau sur moi et sa tête finit par se poser sur mon épaule. Je suis gêné mais je le laisse s'épauler sur moi.


  Quelques instants après, une femme brune aux cheveux longs et bouclés me prévient que Fred est dans un salon à coté. Je regarde vers la gauche et je vois effectivement, dans l'entrebâillement d'une porte, une sorte de piano-bar d'où s'échappent quelques notes de musique ; je suis attiré par cet endroit qui a l'air agréable, vivant... Il me semble effectivement la voir mais je n'ai pas mes lunettes et ma vision est un peu trouble.

  Comme je ne suis pas sur que ce soit elle, je reste indécis sur ma chaise mais la femme brune me propose de m'y emmener et j'acquiesce. En arrivant sur place, elle me propose de m'asseoir près de l'entrée sur quelques poufs qui sont regroupés autour d'une table basse. Je refuse car j'ai l'impression que cet endroit est en vérité un espace réservé pour les enfants, elle insiste et s'active en prenant les poufs pour les disposer de façon différente autour de la table basse. Je me sens de plus en plus mal à l'aise car le comportement de cette femme brune me semble ridicule et en contradiction avec l'aspect "sélect" de l'endroit, d'autant plus que je vois du coin de l'œil Fred m'observer les sourcils froncés, assise plus loin avec une amie.
  
  Je finis quand même par m'asseoir, un peu irrité de m'être fait remarquer de si mauvaise manière, quand Fred se lève, se pose devant moi et me demande ce que je fais, mains sur les hanches puis sans attendre ma réponse, elle fait demi-tour et s'en va. Je la suis et la rattrape dehors, je l'agrippe par le coude, elle s'arrête, me regarde et me dit une phrase que je comprends à moitié "si tu veux qu'on se voit, tu n'a qu'à prendre rendez-vous par le livret ... (quelque chose ?)".... Elle fait demi-tour et me plante seul dans le hall, je la cherche mais ne la trouve plus, j'ai beau arpenter l'intérieur et l'extérieur de l'hôtel, rien n'y fait. Je retourne dans le hall, elle est introuvable. Je me retrouve seul au milieu d'inconnus qui entrent et sortent, je suis totalement déstabilisé de son départ, je ne sais pas vers qui me tourner, je perds pied...

Je me réveille en sursaut. Nom de D..., quel rêve !
En une seconde, je rentre dans un état de nervosité extrême puis dans une rage folle, ma femme me demande ce que j'ai, j'explique simplement que j'ai fait un cauchemar. Mais ma fureur est totale, ma femme le sent et s'inquiète, je lui dis de me laisser tranquille ; ma fureur se transforme en quelques minutes en angoisse insondable, je sens venir mes larmes et je pleure plusieurs minutes sans pouvoir me retenir. Il me faut presque une heure pour me calmer, me ressaisir et partir au travail.
Dans la  journée, je repense à mon rêve et la brutalité de ma réaction ; comme si pendant un instant, mon inconscient avait percé le voile tenu de la réalité et sa violence s'était répandu comme une horde folle dans mon conscient pour se fracasser avec violence contre lui.
J'en attends donc avec d'autant plus d'impatience mon rendez-vous de ce soir chez le psy. En attendant, j'ai une telle boule d'angoisse au ventre que je téléphone à mon cousin pour connaitre le nom de son traitement antidépresseur et demander ainsi à mon médecin si je peux le prendre. J'en ai besoin !


jeudi 14 septembre 2007

--- --- Intermède psy --- --- :

A peine installé sur mon désormais familier fauteuil, je sors mon rêve d'un trait et les sentiments qui ont suivi. Elle m'écoute sagement, assise en face de moi sur un fauteuil identique, prenant quelques notes ou m'interrompant un bref instant pour me faire répéter ou me demander une précision.

Puis je m'arrête de parler sur un "voilà, c'est tout" et je la regarde avec un petit geste qui semble dire "et vous, vous en pensez quoi ?". elle fronce un peu les sourcils en hochant un peu la tête :

  - Je crois, mais je peux me tromper, qu'il y a des images qui sont claires et si vous le voulez bine, nous allons essayer de comprendre. Le vieil homme à coté de vous, c'est votre père. Il se repose sur vous, vous semblez le trouver encombrant mais vous acceptez. Vous acceptez en fait sa mort, tout simplement. Sa tête posée sur vous est révélatrice de la façon dont vous vous appropriez cette mort : vous acceptez mais c'est encore un poids, une peine qui pèse sur vos épaules. Et surtout, quand vous demandez à cet homme de se remettre droit, il ne réagit pas, il ne peut rien pour vous.

  Touché. Tout parait si simple quand elle explique, elle fait en sorte que je regarde au lieu de voir, que je passe d'une simple vision à une compréhension.

  - Quand à la femme brune, elle pourrait être votre femme. D'abord elle dirige, elle prend la décision de vous montrer où est Fred. C'est bien le comportement d'elle que vous m'avez déjà décrit : une femme qui prend les décisions. Vous n'arrivez pas à trouver Fred donc c'est votre femme qui pallie à votre manque. Deuxièmement, vous vous sentez vexé qu'elle s'occupe de vous comme un enfant dans ce piano-bar, c'est encore ce que vous lui reprocher qui ressort : elle prend les décisions et du coup, vous ne pouvez pas grandir face à elle, elle vous laisse à un état enfant que vous ne supportez plus. Mais elle aussi, elle ne peut rien pour vous, elle ne vous aide pas en réalité, elle fait juste ce qu'elle veut sans vous laisser le choix.

  Encore... je commence à comprendre comment les pièces se mettent en place. J'en suis plutôt satisfait mais une petite musique désagréable se joue en arrière-plan, lancinante, moqueuse, méchante, je ne trouve pas encore ce qui me dérange dans ses explications.

  - Quand à Fred, c'est bien Fred. Elle est dans le rôle que vous lui donnez ; indépendante dans ce piano-bar, elle n'hésite pas à vous bousculer en vous apostrophant devant votre femme puis à partir. Elle est telle que vous me la décrivez. Vous la cherchez mais sans la retrouver, elle vous quitte et c'est quelque chose dont vus avez terriblement peur... Encore une fois, elle non plus ne peut rien pour vous.

Cette femme est imparable dans son explication. Sa petite voix chantante m'explique chaque détail mais avec la précision d'un scalpel qui lacère encore et encore ma peau. Je me sens de plus en plus mal, non... de plus en plus en colère sans comprendre pourquoi ; comme si au milieu de toutes ses phrases précises, elle me cachait une autre idée, lus forte, une clé qui expliquerait tout et donnerait le sens caché.

  - Vous voyez, toutes ces personnes de votre rêve, votre père, votre femme, Fred, elles sont là, font partie de votre histoire mais aucune d'elles ne peut vous aider. Vous êtes seul, tout seul. Vous êtes dans une solitude telle que personne ne peut vous aider. Personne ne peut rien pour vous car votre solitude est immense, tellement immense que vous n'arrivez même plus à espérer quoi que ce soit... Elle attend quelques secondes avant de répéter : votre solitude est tellement immense...

En l'écoutant, mon sang se glace. Je ressens de tels accents de compassion dans sa voix que je crois qu'elle est en train de me dire qu'elle non plus ne peut rien pour moi. Je panique complètement :

  - Vous... vous non plus, vous ne pouvez rien pour moi ? Je suis tellement loin dans ma solitude que...
  - Non, me répond-elle. Au contraire, c'est mon travail de vous aider à trouver votre chemin, à trouver les bonnes clés qui vous feront prendre les décisions que vous souhaitez, à vous accepter, à accepter l'homme que vous êtes, et encore plus à accepter ce que vous avez vécu, ce que vous avez fait, ce que vous êtes.

  Son explication me fait revenir du bord du gouffre, si elle aussi ne pouvait rien pour moi, c'était que mon cas était trop grave, qu'elle allait me dire qu'on ne pouvait pas continuer ensemble ce travail, que ce n'était pas à sa portée. Je me raccroche à ses dernières phrases comme un naufragé à sa planche de salut.

  La séance est finie. Je repars avec ce petit espoir qu'elle m'a laissé : je ne suis pas tout seul, je peux m'en sortir. Je n'en demande pas plus.

  Je réussis à passer un appel à Fred : elle va bien et je lui dis que je vais mal. Elle comprend ma situation et ses paroles, comme celles de ma psy, sont pleines d'espoir. Fred a cette incroyable capacité à lire en moi comme un livre ouvert, elle sait comment je réagis et pourquoi. Elle me dit que ce n'est pas très difficile mais je reste bluffé.

  En rentrant chez moi, je me pose encore la question de savoir ce qu'elle me trouve alors que je ne suis qu'un homme qui se noie sous le poids des problèmes et des drames sans savoir comment lutter alors qu'elle affronte ses propres problèmes la tête haute et qu'elle souffre certainement aussi, mais elle accepte cette vie les mains ouvertes dans la croyance confiante de jours meilleurs.

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