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14 septembre 2007 5 14 /09 /septembre /2007 09:30

Désert tchadien - 17h00

  Un pied s'enfonce dans le sable et comme un caillou jeté dans l'eau, fait éclabousser une myriade de grains dont une partie retombe sur ma pataugas et glisse ensuite en cascade entre chaque pli. Mais bien vite, le sable cède la place à un terrain rocailleux et je dois de nouveau faire attention à ne pas m'éclater une cheville.

  Yvon et moi avons laissé les véhicules depuis 20 minutes pour grimper une petite colline, tandis qu'un autre binôme attaque par le flanc est. Du haut, nous devrions avoir une vue dégagée sur l'azimut de notre objectif, ce pourrait être un bon point de regroupement ou de repérage pour nos troupes. Nous sommes à quelques minutes du haut de la colline quand nous commençons à entendre un échange radio :

  - Noir 3 à Autorité.
  C'est l'autre binôme qui appelle Vita qui est resté aux véhicules.
  - Ici Autorité, parlez.
  - Je repère une mechta à 500 mètres environ au nord-ouest de ma position. Noir 2 devrait l'avoir en visu plein nord depuis leur position.

  Noir 2, c'est nous. Vita va nous demander ou nous sommes alors avec Yvon on force le pas, on se met presque à courir au milieu de la caillasse.
  - Autorité à Noir 2.
  - Ici Noir 2 à l'écoute.
  - Vous avez entendu, Noir 2 ?
  - Ici Noir 2. Affirmatif. Nous sommes en position dans une minute…
  - MAGNEZ-VOUS LE CUL, NOIR2 !
  Quel sale con. Il n'a qu'à grimper avec nous.
  - Ici noir2. Affirmatif.
  - Noir 2 à Autorité.
  - Ici Autorité, parlez.
  - Je compte un véhicule Toyota garé derrière le bâtiment. Pas d'identification possible pour l'instant. Quelques secondes de silence...
  - Autorité pour Noir 2, bien reçu. Restez sur place pour l'instant.

 Aïe. Il va réfléchir. Avec son mini-cerveau, on risque d'en avoir pour un moment. Mais je me trompe car quelques secondes après, j'entends Autorité demander au binôme Noir3 d'approcher pour une reconnaissance.

  Encore une fois, Vita se plante ; l'autre binôme approche complètement à découvert et en aveugle : qui nous dit qu'il n'y a pas un transport blindé planqué avec le Toyot' ? Et on fait quoi, avec notre Milan laissé dans les véhicules s'ils se font repérer ?

  A 5 mètres sur ma droite, je vois du coin de l'œil Yvon enlever le chargeur de son Famas et le remplacer par un PCL puis mettre une grenade à manchon en bout de canon. Puisqu'il se place en grenadier, je sors donc pour moi un deuxième chargeur de 30 cartouches et le pose délicatement à mes cotés. Notre binôme est maintenant opérationnel.

  Je vois Noir 3 progresser, il quitte la rocaille de la dune protectrice et avance sur le plat, lentement, le dos courbé, l'arme pointé.
  Leur situation est maintenant complètement à découvert. Je reprends mes jumelles et écarquille les yeux pour repérer le moindre mouvement à l'intérieur ou une ombre qui se dessinerait à l'angle du bâtiment.
  - Noir 2 pour Noir 3, couchez-vous ! ne bougez plus !
  Je viens de voir dans l'embrasement de la porte la silhouette d'un soldat GUNT se profiler. Il s'étire et baille. J'en déduis que l'équipage du Toyot' vient de finir une sieste et qu'ils vont reprendre la route pour rentrer car ils osnt étonnamment loins de leurs bases. Je regarde Noir3. Ils sont couchés et ne bougent plus, à 100 mètres à peine de la mechta. Ils sont au milieu d'une sorte de cuvette et avec un peu de chance, invisibles depuis le bâtiment.
  - Noir 2 pour Noir3. ne bougez plus, vous êtes dans un creux de terrain et les GUNT ne vous voient pas. Ne bougez surtout pas.
  - Noir 2 pour autorité.
  - Ici Autorité, faites un rapport.
  - 
Un GUNT sort. Non, deux maintenant… trois… J'attends quelques secondes avant de reprendre la parole.
  - Ils sont au complet, visiblement. Ils discutent devant le bâtiment et vont certainement rejoindre leur véhicule et partir. Je viens de repérer la trace des pneus qui devait venir du nord-ouest. Ils ne vont pas voir Noir 3 s'ils repartent dans la même direction. J'informe Autorité.
  - Autorité pour Noir 2. Personne ne sait dans quelle direction ils vont partir !
  - 
Noir 2 pour autorité. Ils sont trop loin de leurs lignes et la nuit tombe dans deux heures. Ils font forcément demi-tour.
  - 
Autorité pour Noir 2, je vous donne l'ordre d'ouvrir le feu sur l'ennemi, le risque est trop important pour Noir 3.
  - R
épétez, Autorité. Je suis incrédule, notre mission de reco' se transforme en champ de tir, notre survie est compromise si par malheur nous sommes repérés !

  - 
Autorité pour Noir 2 : ordre de tir sur l'équipage ennemi. Confirmez.
  - 
Noir 2 à autorité : je confirme.
  - A
utorité à noir 3 : Après le premier feu, vous ouvrez le feu en couverture.
  - Noir3 à autorité : affirmatif. Le sens de la hiérarchie prend le dessus. Je jette un œil à Yvon et je vois ses lèvres remuer : "c'est un con !". Puis il me pointe du doigt pour me dire qu'il est prêt et qu'il attend mon feu.
  - Autorité pour Noir 3 et Noir 2 : pas de tir ni grenades sur les véhicules. Nous devons essayer de récupérer des cartes ou des infos.
  J'entends Yvon étouffer un "merde" et je le vois enlever à toute vitesse sa grenade à manchon de son fusil et remettre un chargeur plein.
  J'estime la distance entre le groupe et le 1er type. Je choisis mon point de premier tir puis mon deuxième. Je m'aperçois d'un coup que ma langue a gonflé dans ma bouche, pour me calmer, je respire un grand coup et me concentre sur les trois silhouettes qui se rapprochent lentement de leur véhicule.
  Je passe mon doigt dans le pontet et pousse la sureté de sélecteur de tir. A la moitié de ma deuxième expiration, je descends ma ligne de mire jusqu'à la poitrine de la 1ere cible. Elle porte une veste léopard et son AK-74 est dans sa main gauche. Il parle aux autres avec des gestes de la main droite.

  J'appuie doucement sur la détente.
 
  CRAAA-AC ! Énorme aboiement de mon arme, en même temps, un sifflement s'installe dans mes oreilles. A peine le temps de voir ma cible touchée que je vise la deuxième. Elle est comme figée de surprise, son dos s'est juste vouté comme si elle s'attendait à recevoir un coup sur la tête. Attitude instinctive de protection… Elle regarde son équipier à terre. Je vise. Je tire. La troisième cible fait demi-tour vers la maison mais une rafale courte d'Yvon la fait trébucher à l'entrée.

  - Noir 2 pour Noir3. 3 cibles à terre. Vous pouvez avancez. Nous restons en couverture. Confirmez, Noir3.
  - Noir 3 pour Noir 2, je confirme. Nous avançons et vous nous couvrez.

  Je vois le binôme avancer par course alternée vers la mechta : quand le premier avance de quelques mètres, le deuxième assure sa protection et après ils inversent. A l'entrée de la mechta, ils dégoupillent une grenade of' qui fera plus de bruit que de mal. Ils la jettent par une fenêtre. Un bang métallique éclate. De la poussière et du sable sont soulevés par la détonation. Noir 3 s'engouffre à l'intérieur. Tout est fini. Je viens de tuer pour la 1ere fois. Mon dieu, et quoi d'autre, maintenant ?

  - 
Noir 3 pour Noir2, bâtiment sécurisé.
  - Noir 2 pour noir3, on arrive.
  Je dégringole la colline à toute vitesse. Même si le périmètre est sécurisé, nous devons maintenant nous dépêcher : personne ne sait si nous avons été repérés ! Le temps est maintenant notre nouvel ennemi.
  Par le Sony, Vita nous prévient qu'il arrive avec les véhicules.
  Je rentre dans la mechta... Alors que mes yeux s'habituent à la pénombre, je comprend que Vita nous a forçé la main, il a mis exprès à découvert 2 hommes pour que nous soyons obligé de faire feu. Il aura beau jeu de dire que c'était notre faute, que nous n'avions pas assez monté cette saloperie de coline assez vite, que nous n'avons pas prévenu assez vite, que nous avons pris les mauvaises décisions. Il nous tient. Mais il ne dira rien car je le tiens aussi. c'est un jeu à somme nulle. I

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