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22 octobre 2007 1 22 /10 /octobre /2007 15:38

  Toute la journée c'est mal passée.
  La tension en ville est palpable. J'ai fait une patrouille ce matin dans Beyrouth, les passants commencent à filer devant nous, les regards sont fuyants. J'ai gardé tout le long mon fusil d'assaut dans mes mains, pret à viser. J'ai scruté les toits, les portes, j'ai observé avec attention chaque voiture qui passait. Les menaces d'attaque contre un poste français se sont précisées, les commandants de poste ont monté d'un cran l'alerte. Le poste "Escorteur", situé à 500 mètres du Drakkar a reçu des menaces d'attentat. Nos patrouilles ont donc essayé de repérer tout mouvement, hommes ou véhicules suspects.

  Notre groupe rentre fatigué nerveusement sur son poste quand la radio demande qu'une partie de la patrouille arrive en soutien sur un autre poste pour la nuit. Nous modifions donc notre parcours. Arrivé sur place, je me propose avec quelques camarades comme volontaires pour intégrer la section présente. Le chef de groupe donne son accord et reprend sa route.

  Les dernières lueurs du jour filent à l'horizon. Je sais que ce n'est qu'une question de jours avant les premières attaques, peut-être cette nuit.

  On définit les quarts de nuit, les dernières consignes, on contôle encore une fois nos positions, une mitrailleuse AA52 est montée en appui au 1er point de contrôle, on rajoute des chargeurs à notre brelage ; je nettoie mon arme avec minutie, je fais jouer la culasse, je vérifie chaque élément.

  La nuit est tombée, j'essaye de me concentrer en attendant mon quart mais se bousculent dans ma tête des images de ma vie, elles arrivent par flash, comme pour me rappeler quelque chose ou me prévenir. Images d'enfance, de rire, images d'adolescence, de mal-être, images des filles que j'ai connu ; cette belle brune rencontrée en boite de nuit à la frontière suisse et son regard si doux et envoutant, sa voix presque grave, lente mais déterminée, ses seins fermes et lourds...
  Elle m'avait montré quelque chose de moi, son calme devant ma rage, sa joie devant mon cynisme, son plaisir devant ma domination ; elle m'avait montré quelque chose de moi, elle m'avait montré celui qui était dans l'ombre et qui attendait. J'avais entr'aperçu un autre moi, mon vrai moi, celui qui pouvait éteindre le feu qui me dévorait, qui pouvait soigner mes tourments. Mais c'était encore trop tôt. Ma colère était encore trop forte.

  Mais quand même, en regardant tout à l'heure les dernières lueurs du jour, je me suis arrêté quelques secondes pendant lesquelles j'ai respiré profondément ; les traits de mon visage se sont détendus, mes épaules se sont abaissés et j'ai légèrement souri. J'ai ressenti brièvement un bien-être m'envahir, une délicieuse sensation de calme, de paix...

  Instant merveilleux dans ce monde en plein chaos.

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