Bordeaux, près de Stalingrad – janvier 2009
Tout le monde sait qu’en cyrillique, URSS s’écrit CCCP.
Et ma mère, sa banque c’est les CCP. Vous le voyez, là, le jeu de mots foireux ?
Et si je compare les CCP aux meilleurs moments brejnéviens quand l’immobilisme et le kafkaïen étaient devenus un art à part entière, c’est qu’ils m’en ont fait une bien bonne, les petits gars de la banque postale.
En mai, je préviens la conseillère du compte postal de ma mère - une jeune femme très sympa et efficace (non, je ne suis pas ironique !) que je suis devenu curateur. Nous remplissons moult papiers pour faire noter la mention « sous curatelle de monsieur …. » sur les futurs chéquiers, j’en profite pour prendre une vraie carte bleue afin de faciliter les retraits d’argents et abandonner la vieille CB électron qui ne marchait qu’une fois sur deux. Nous nous quittons sympatiquement avec pour moi une jolie liste de photocopies à lui faire.
Une semaine plus tard, l’œil clair, le poil vif, la truffe humide et la queue battante (Foutredieu ! Je suis en train de regarder une pub pour Canigou en même temps que j’écris !), je retrouve ma sympatique conseillère pour lui porter les derniers documents. Oups, la dame est absente et je dois patienter 30 minutes avec le vulgum péplum (n’hésitez pas, corrigez mon latin !) pour simplement déposer au guichet ma précieuse enveloppe.
Le temps passe et les mois aussi. Point des nouveaux chéquiers en vue même si la nouvelle CB arriva bien ; puis, vers mi-novembre, cette dernière refusa obstinément de payer quelques courses à Castorama pour ma mère. Ni d’une ni deux, je sors alors ma propre carte pour payer et voilà. Mais quelques jours plus tard, rebelote, la carte fait un blocage au moment de payer ! Je ne m’affole pas, son compte est bien créditeur et l’essentiel est que je puisse retirer de l’argent au DAB.
Une semaine passe et je reçois un courrier des CCP qui me plonge dans le plus grand désarroi. Un type parfaitement inconnu m’explique dans son courrier qu’il m’interdit et jusqu’à nouvel ordre d’utiliser les anciens chéquiers de ma mère en attendant les nouveaux avec la mention « sous curatelle…) et qu’en plus, il a annulé la carte bleue car une personne protégée n’a droit qu’à une carte « électron » !
Seuls les prélèvements automatiques sont toujours autorisés.
Il joint à sa bafouille 4 cartons aux gribouillages administratifs obscurs me demandant des signatures à des endroits non identifiés.
Je décroche aussi sec mon portable et à la 18eme tentative et au 9eme message la conseillère me recontacte.
Je lui récite le courrier de son collègue et elle marque son incompréhension par diverses onomatopées. Puis je lui explique que les petits cartons de son collègue, je veux bien les signer mais OU ? Il y a plein de cases à signer soit comme mandataire, mandant, co-titulaire de compte et autres personnes avec procuration…
Je sens le grand silence du désarroi s’installer chez mon interlocutrice. Elle promet de me rappeler.
Pour ça, on s’est rappelé, on s’est même laissé pleins de messages, plus exactement, JE lui ai laissé plein de messages… Mais un jour de mi-décembre, le miracle…
- Monsieur Zach ?
- Ouiiiii ?
- Madame SCHMURTZ de la banque postale ! comment allez-vous ?
- Bien, et vous ? vous avez des nouvelles ?
- Oui, oui, oui ! Alors, vous avez quelques minutes ?
- Oh, depuis le temps que j’attends votre appel, vous avez toute mon attention ! répondis-je d’un ton un peu ironique.
- Alors, je vous expliiiique…
- Faites-donc ça… Et elle partit dans la grande narration des tribulations du compte de ma mère.
- Alors, pour une personne sous curatelle, on ne peut pas avoir de compte Adesio qui était obligatoire pour avoir une carte bleue « normale », en plus, elle ne peut avoir qu’une carte bleue de type « électron » donc j’ai fait refaire tous les papiers et je vous rassure, vous n’avez rien à faire ni à signer. Pour les cartons, vous devrez signer en bas à gauche du 1er carton, au milieu du 2eme et au verso en bas du troisième ! Pour les chéquiers, ils seront envoyés à réception des documents que vous allez signer. Voilà !
- Et tous les papiers qu’on avait fait, c’est pour rien ?
Lourd silence de la conseillère…
- Disons que je n’avais pas toutes les informations à disposition… mais l’essentiel est que nous arrivions à nos fins, non ?
- Je suis bien d’accord avec vous, mieux vaut tard que jamais… Mais depuis un mois, c’est moi qui paye les courses de ma mère et ça commence à bien faire ! j’espère que je vais pouvoir retirer de l’argent rapidement pour me faire rembourser auprès de ma mère !
- Dès la semaine prochaine, Monsieur ! c’est promis !
- Alors j’attends une semaine mais pas une de plus, c’accord ?
- Oui, d’accord, monsieur Zach et encore toutes mes excuses pour tous ces retards !
Je raccrochai. Le nouveau chéquier arrivera le 5 janvier 2009 ! Je fis autant de chèques de remboursement que j’avais fait de courses pour ma mère en maudissant l’incompétence de l’URSS.